Du bon usage du père
Jean-Luc TOURNIER
Psychosociologue et Psychothérapeute à Besançon
C’est quoi un « père concret » ? Un père concret, c’est d’abord, cela je vous le dis, un père physique, un père incarné, et non pas ce qu’on a répété avec la psychanalyse, par exemple un père symbolique qui a une fonction de séparateur. On s’en moque, ce n’est pas le problème. Le moment où les enfants – écoutez ce point clé – ont le plus besoin de leur papa, c’est pas à 13 ans, 16, 18 ans, ni même à 7, ni même à 3 ans, c’est dans les deux premières années de leur vie. S’il y avait un seul moment où je dirais aux hommes: " allez les grands, soyez présents auprès de vos loulous", c’est de zéro à 2 ans. C’est ce moment-là qui est le moment essentiel. Et on se rend compte que lorsque le papa est présent dans les deux premières années de la vie de son enfant, réellement présent, réellement près de son enfant, réellement investi, il y a 98 % de chances pour qu’il ne le lâche jamais. Donc, premier élément, un père vraiment présent, un père qui touche son enfant, un père qui le porte droit dans ses bras. Une mère, elle le porte, oui aussi, mais contre elle, niché dans son sein, autour de sa poitrine. Le père, il le porte droit contre lui, la main sous le fondement ; il le montre aussi ; il le tient droit devant les autres. Et alors, ça change beaucoup de choses. Quand, en tant que bébé, j’ai cette expérience en moi, dans mon corps, d’être soutenu par cette main de mon père, par ce thorax de mon père, et d’être mis en position verticale comme ça, j’ai l’impression d’avoir, à l’intérieur de moi, un axe vertical, quelque chose qui me tient droit. Ça donne le sentiment de confiance en soi, le sentiment de consistance, le sentiment de congruence. Ça sert à quoi ? Tout bêtement, quand dans la vie, et ça va m’arriver, je vais rencontrer des pépins, je vais me casser la figure, je vais avoir des déceptions, des ruptures, plutôt que de m’écrouler dans mes chaussettes, de me dire, « j’y arriverai jamais », de renoncer, de m’asseoir, d’attendre que les choses se passent, j’aurai à l’intérieur de moi comme une main qui me porte, une voix qui me parle, et qui me dit : « vas-y ! continue, t’arrête pas, renonce pas, allez, poursuis, va de l’avant ». ça, cette voix là, c’est la voix du père.
Note de H.C.I : les pères doivent avoir plus confiance dans leur capacité à apporter quelque chose d'essentiel à leurs enfants. Cette chose essentielle, qui s'exprime dans des gestes simples et assurés ainsi que nous le dit l'article que nous venons de lire, donnera une structure, comme un colonne vertébrale ferme et assurée, à leurs enfants, pour toute leur vie. S'il appartient au père de prendre cette place, il appartient aussi à la mère, si besoin, de favoriser la mise en confiance du père en relation avec ses enfants.